Ce billet est une traduction de Copyright reform in the European Union (traduction réalisée par la communauté Mozilla francophone).
L’Union européenne envisage une vaste réforme des lois sur le droit d’auteur dans le cadre des réformes du Marché unique numérique. La révision de la directive EUCD sur le droit d’auteur, votée en 2001, a commencé avec un rapport de l’eurodéputée Julia Reda. Le Parlement européen votera sur ce rapport et sur un certain nombre d’amendements cet été et le processus se poursuivra avec une proposition législative de la Commission européenne à l’automne. Au cours des prochains mois, nous avons l’intention de faire entendre notre voix dans ce débat ; dans certains cas pour soutenir des idées existantes, dans d’autres pour soulever de nouvelles questions.
Ce billet expose certaines des améliorations que nous aimerions voir apporter au régime du droit d’auteur de l’Union européenne — pour préserver et protéger le Web, et mieux promouvoir les principes de l’innovation et de concurrence du Manifeste Mozilla. La plupart des objectifs que nous identifions sont activement discutés aujourd’hui dans le cadre de la réforme du droit d’auteur. Notre plaidoyer vise à les mettre en lumière et à caractériser les positions adoptées sur ceux-ci. Nous proposons également une exception en faveur de l’interopérabilité pour amener le débat dans une direction un peu nouvelle. Nous croyons qu’une exception explicite pour l’interopérabilité ferait directement progresser l’objectif de promotion de l’innovation et la concurrence à travers le droit d’auteur.
Promouvoir l’innovation et la concurrence
« La réalité d’Internet en tant que ressource publique dépend de l’interopérabilité (des protocoles, des formats de données, du contenu), de l’innovation et d’une participation décentralisée mondiale. » — Manifeste de Mozilla, principe n° 6
La clarté, la cohérence et de nouvelles exceptions sont nécessaires pour s’assurer que le nouveau système de droit d’auteur européen stimule l’innovation et la concurrence au lieu de les étouffer. Si de nouveaux usages créatifs de contenus sous droit d’auteur peuvent être empêchés sans restriction, c’est l’innovation qui en souffre. Si le droit d’auteur est utilisé pour empêcher indûment de nouvelles entreprises d’apporter une valeur ajoutée à des données ou logiciels existants, c’est la concurrence qui en souffre.
Norme ouverte : mettre en œuvre une nouvelle exception générale au droit d’auteur autorisant des actions en accord avec le test en 3 étapes de la convention de Berne. Ce test explique que toute exception au droit d’auteur doit être un cas particulier, qui ne doit pas entrer en conflit avec une utilisation normale, et qui ne doit pas porter préjudice aux intérêts légitimes de l’auteur. L’idée d’une « norme ouverte » consiste à trouver un équilibre naturel entre innovation et concurrence, permettant au détenteur du droit d’auteur de conserver des droits exclusifs classiques mais sans capacités exceptionnelles à limiter le potentiel d’innovations futures ou de technologies concurrentes.
Citation : étendre les protections existantes pour les citations de texte à tous les médias et à un plus grand nombre d’usages. Une exception de ce genre est fondamentale non seulement pour la liberté d’expression et le dialogue démocratique, mais également pour promouvoir l’innovation quand celui qui cite ajoute de la valeur grâce à la technologie (par exemple, dans le cas d’un site Internet qui affiche et mélange des extraits venant de différentes pages pour mieux répondre aux nouveaux besoins des utilisateurs).
Interopérabilité : une dérogation pour les actions nécessaires pour permettre une interopérabilité continue avec un programme, un protocole ou un format de données existant. Cela dynamiserait directement la concurrence et l’innovation technologique. L’interopérabilité est également nécessaire pour permettre un accès complet aux personnes ayant un handicap (qui ne sont souvent pas suffisament pris en considération par les programmes standard), et permettre aux citoyens de jouir pleinement des autres exceptions au droit d’auteur.
Ne pas casser Internet
« Internet est une ressource publique mondiale qui doit demeurer ouverte et accessible. » — Manifeste de Mozilla, principe n° 2
Internet possède de nombreuses caractéristiques techniques et politiques qui se sont combinées, parfois par d’heureux hasards, pour en faire ce qu’il est aujourd’hui. Une réglementation claire pour préserver et protéger ces capacités essentielles serait une garantie puissante, et éviterait de créer des risques de paralysie et de l’incertitude.
Hyperliens : les hyperliens ne devraient pas être considérés comme une forme de « communication au public ». Dans un [arrêt](https://edri.org/linking-content-infringe-copyright-says-ecj/) récent, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que les hyperliens étaient en général légaux, car ils ne constituent pas une communication à un « nouveau public ». Une prise de position plus forte et plus sensée serait d’établir par la législation qu’un lien, en tant que tel, ne constitue pas une communication du contenu au public au sens du droit d’auteur. Les actions de communication et de mise à disposition de contenu sont réalisées par la personne qui met ce contenu sur un serveur cible, et non par ceux qui créent des liens vers ce contenu.
Des protections solides pour les intermédiaires : l’exigence d’une procédure judiciaire avant d’imposer aux intermédiaires un retrait de contenu. Bien qu’il semble sensé de demander aux hébergeurs de contenus de retirer des éléments qui violent le droit d’auteur et dont ils ont le contrôle, l’obligation de s’exécuter ne devrait pas découler d’une simple déclaration mais uniquement d’une procédure légale appropriée. La dispense de responsabilité existante pour les intermédiaires devrait en conséquence être renforcée par une définition plus précise de la « connaissance avérée » qui nécessite cette procédure et (corollairement) permettre des modifications minimes et raisonnables des données (par exemple pour la gestion d’un réseau) sans affecter cette protection.
Nous attendons avec impatience de pouvoir travailler avec les législateurs européens pour élaborer un consensus sur les meilleurs moyens de protéger et promouvoir l’innovation et la concurrence sur Internet.
Chris Riley, Gervase Markham, Jochai Ben-Avie
*[EUCD] : European Union Copyright Directive